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Logo SUD_2011_noirCe texte constitue la position de base de la Fédération syndicale SUD sur les retraites au moment où commence les négociations sur la caisse de pensions avec le Conseil d'Etat. 

La question des retraites est au cœur d’une gigantesque bataille sociale en Europe. En Suisse, ce combat se manifeste également avec âpreté. Les mesures que les milieux dominants tentent d’imposer sur le terrain de l’AVS et sur le terrain de l’AI en témoignent.

Remarquons au passage que la question des retraites dans ce pays est l’une de celles qui ont suscité la résistance la plus opiniâtre de la part du salariat et des classes populaires. Une majorité sociale manifeste la conscience et la conviction qu’il y a là un enjeu essentiel qui touche, bien évidemment, les ressources financières des retraité-e-s ou des futur-e-s retraité-e-s mais plus largement les conditions de vie et l’institution générale de notre société.

Ce que veulent les milieux de pouvoir, économiques et politiques, est clair, et cela se retrouve sur tout le continent européen. Il s’agit tout d’abord d’allonger le temps de travail au cours de notre existence. Dans la période que nous traversons, la tendance est de faire travailler les personnes d’avantage, plus longtemps, plus vite, plus intensément. Le report de l’âge de la retraite, c’est-à-dire le prolongement de la vie au travail, s’inscrit dans cette tendance. Travailler plus longtemps pour pouvoir prendre sa retraite c’est se voir réduire les années de liberté, subir une dégradation accrue et plus rapide de la santé et donc toucher à la qualité même du temps de liberté qu’apporte la retraite. Il s’agit enfin faire entrer dans la précarité et souvent dans la pauvreté cette période de notre existence hors du travail salarié.

Il y a donc une volonté d’allonger le temps de travail. Mais il y a également une volonté de réduire les pensions et les rentes liées à la retraite. C’est un projet pour appauvrir et précariser.

Il importe ici de souligner un élément important. Retarder l’âge de la retraite va signifier pour beaucoup des salarié-e-s qu’il ne sera pas possible de totaliser le nombre d’années exigé pour toucher une pleine pension. Pour des raisons de santé, de licenciement, bien des personnes partiront avant avec la diminution des rentes et la paupérisation qui en résulte.

Dans ce même projet de réduire le montant des retraites, de les rapprocher du minimum de survie voire même de les rendre insuffisantes, nécessitant le recours à l’aide sociale pour pouvoir subsister.

La violente attaque contre les retraites intègre un autre mécanisme. Il s’agit de réduire au minimum le revenu social garanti par le régime des retraites et de faire passer l’acquisition de ressources pour la période de la vie après le travail salarié à la capitalisation et au risque.

Ce dernier élément implique une volonté de liquidation du collectif, de la mutualité, et de la solidarité. Il constitue une très grave attaque contre la protection sociale. Le système de pouvoir menace notre sécurité sociale. Il s’agit de faire de la majorité des ressources que nous consacrons à financer la retraite une masse de capitaux utilisable pour les grandes opérations financières. Les ressources pour notre retraite, à l’inverse du principe de précaution, sont livrées à un système financiarisé, très risqué, imprévisible et frappé de crises récurrentes de plus en plus graves.

Les grands groupes tirent toujours leur épingle du jeu, amassent les bénéfices et nous laissent les risques. Et non pas seulement les risques : ils utilisent notre argent pour multiplier les opérations de restructuration et les spéculations de telle manière que nos futures retraites sont gagées sur une dégradation systématique de l’économie productive et de la vie sociale. Nos retraites elles-mêmes, s’il ne s’agit de parler que d’intérêts personnels et de court terme, sont menacées par cette stratégie folle de la valorisation financière à tout prix et à n’importe quelle condition. Cette politique est irresponsable.

A vrai dire, le pacte entre générations et la solidarité sociale excluent la fausse bonne idée que nous économisions aujourd’hui pour payer nos retraites de demain. En fait, ce qui est versé aujourd’hui pour les retraites, pour nos retraites, sert à payer les rentes et pensions des personnes qui ont pu quitter le travail salarié. Quand sera venu notre âge, d’autres paieront pour nous et ainsi de suite. C’est la solidarité et le pacte qui soulignent cette vérité fondamentale : c’est l’économie réelle qui paie les retraites et les pensions.

Cette économie réelle intègre les progrès, les capacités croissantes d’innovations et de créations de richesse, la marche en avant de la productivité. La grande question est de savoir comment est divisée la richesse sociale qui dérive de l’activité économique. Toute croissance doit être répartie, tout progrès doit être équitablement partagé et attribué. En ce sens, la question démographique dont on se sert comme point d’appui et bras de levier pour allonger le temps de la vie au travail et réduire les ressources des retraité-e-s doit être mis au regard de la croissance économique et du partage des richesses.

Aujourd’hui, et cela depuis maintenant une génération, la richesse va à la richesse, sans cesse davantage. Il faut le dire clairement, il faut changer cette situation si nous voulons conserver et améliorer nos retraites.

En Suisse, l’AVS est une institution solide. Mais le revenu qu’elle assure ne permet pas de survivre. Il faut la compléter très souvent par les prestations complémentaires.

Les caisses de pensions connaissent entre elles de grandes différences. Même si elles sont toutes dominées par le principe de l’investissement et de la recherche sur le marché de bénéfices pour financer les retraites. Elles opposent le principe de la capitalisation au principe de la répartition. Nous sommes de manière très claire pour le principe de la répartition qui permet de garantir un revenu déterminé aux salarié-e-s qui prennent leur retraite, dans une démarche mutualiste et solidaire. Le système de pouvoir économique et politique a lui la claire volonté de liquider le principe de répartition et les garanties qu’il donne pour imposer partout le principe de capitalisation avec une rentabilité dégradée des capitaux placés et donc une baisse importante des pensions.

Pour nous, le problème doit être pris à rebours des présentations habituelles. Les retraites actuellement versées doivent être à tout prix garanties dans leur montant et, comme nous le verrons plus tard, dans leur pouvoir d’achat. La première question n’est donc pas celle des différents piliers ou celle de la recherche d’un bénéfice de plus en plus hypothétique et fragile sur le marché pour financer les retraites mais bien de la reconnaissance de la première place qu'il faut attribuer aux besoins, aux droits à une existence digne et à un revenu suffisant durant la retraite. En d’autres termes, il faut au minimum garantir 80% du dernier salaire au titre des différents régimes de retraites, AVS ou caisses de pensions. Il faut réaliser les conditions sociales, économiques et culturelles pour que la retraite soit effectivement un temps de liberté, de santé, d’activités librement choisies.

Cela implique des ressources et une division des richesses socialement produites qui prennent en charge les conditions d’une retraite digne, libre, matériellement garantie et socialement utile. Cela implique sans aucun doute le maintien et l’élargissement de l’AVS, la défense du principe de répartition dans les caisses de pensions et l’orientation des capitaux de celle-ci, en une première phase, vers des activités socialement utiles, vers une économie réellement productive. A terme, il faut sortir de la valorisation financière, même dans les conditions précédemment citées, pour passer à la constitution d’un grand pôle public d’assurances sociales pour la retraite. C’est-à-dire une AVS renforcée capable d’assurer ce fameux 80% du dernier salaire. Deux choses restent à souligner dans cette présentation que nous faisons de notre conception d’un régime de retraite, basé sur des garanties de revenus et des conditions de vie convenables. La première de ces choses est que les retraité-e-s, pour peu qu’ils/elles ne soient pas contraints de vivre dans la précarité (et dans bien des cas si ils/elles vivent dans la précarité) sont producteurs d’une richesse sociale. L’exemple le plus courant, c’est la garde des enfants qui dans bien des cas ne serait tout simplement pas possible sans les grands-parents. Mais il y a bien davantage et on peut faire beaucoup plus. Du point de vue de la vie sociale, des connaissances professionnelles, des expériences de tout type, les retraité-e-s apportent énormément à la société et peuvent sur la base d’une libre activité et d’un appui des pouvoirs publics apporter encore bien d’avantage au bien commun. La retraite paie cela aussi. Il y a un investissement social pour cette activité indispensable et, en même temps que cet investissement social il y a la reconnaissance matérielle de ce que les retraité-e-s ont apporté également durant leur activité de travail salarié. Le second élément est la garantie du pouvoir d’achat effectif des retraité-e-s et de la qualité et quantité des différentes prestations de service public qui l’accompagnent.

Il est irrecevable de penser que plus les retraité-e-s avanceraient en âge et plus le revenu de leur retraite serait réduit et fragilisé par la hausse du coût de la vie. Car c'est bien là l'enjeu : allons-nous accepter que plus les gens vieillissent et plus ils se voient appauvris et précarisés par le défaut ou l’inexistence de l’indexation de leur rente ? De toute évidence, un tel choix est inacceptable et appelle notre résistance la plus déterminée.

Pour conclure, la question d’une assurance sociale pour un régime de retraite fort pose naturellement le problème du financement. Nous l’avons dit, le problème du financement c’est celui de la répartition de la richesse sociale. Il induit le taux et le montant des cotisations mais également et tout autant les ressources qui peuvent et doivent être tirées des centres d’accumulation de richesse et notamment des centres d’accumulation financière.

En d’autres termes, il faut mieux et davantage prélever sur les profits pour financer les retraites.

Fédération syndicale SUD