L’école vaut mieux que deux mauvais projets
Double NON, ni LEO, ni « Ecole 2010 ». Les deux projets ont des convergences fondamentales. Les rejeter ensemble constitue le seul moyen de faire avancer le débat.
« Ecole 2010 » est portée par le fantasme du « c’était mieux avant ». Invoquer à tout propos notes et moyennes, revenir à l’école de 1984, créer des classes régionales, véritable filière de relégation : une école élitiste, durement sélective n’est pas le bon choix. Elle barre rapidement à une majorité d’élèves l’accès aux grandes notions de la culture et à la formation intellectuelle dont ils ont besoin. Des forces qui veulent le démantèlement de l’école publique soutiennent un tel projet.
La LEO n’est pas un contre-projet qui vaille. Elle efface des scories de l’actuelle loi mais organise une sélection précoce et tranchante. Elle institue une école utilitariste, soumise aux exigences de l’économie, porteuse pour une majorité des élèves de savoirs limités et de compétences réduites. « Ecole 2010 » conserve les trois filières. La LEO en instaure deux et trois quarts, esbroufe nominative qui nomme désormais la VSO « enseignement consolidé ». Changer de nom pour que rien ne change.
Nous voulons une école où tous les élèves puissent accéder aux grands savoirs de la culture, où chacun apprenne à travailler intellectuellement, à problématiser, à construire une pensée critique, à préparer une formation professionnelle ou des études sur la base d’une culture générale exigeante, mobilisant des contenus disciplinaires forts, initiant aux méthodes, apprenant à apprendre.
A quand un droit constitutionnel à une formation qualifiante, jusqu’à 18 ans ? Ainsi, pour la formation professionnelle, le canton devrait promouvoir largement la maturité professionnelle, les écoles de métiers, les formations qui développent les facultés et l’autonomie professionnelles des travailleurs, les rendant capables de progresser dans leur métier aussi vite que la technique.
« Ecole 2010 » et la LEO ne limitent pas les effectifs de classe. Que se passera-t-il si dans la VSO ou dans son clone LEO on trouve plus de 20 élèves par classe ? EVM a déçu par son incapacité à garantir les conditions matérielles pour mener à bien les quelques réformes qu’elle proclamait. S’en souvenir est sagesse. Aucun des textes ne garantit effectivement l’indispensable liberté pédagogique, gage d’un enseignement efficace, riche de la diversité de ses méthodes et de ses approches.
Enfin, les deux projets ouvrent la boîte de Pandore d’une nouvelle dégradation des conditions de travail des enseignants du secondaire et enterrent la revendication égalitaire de 25 périodes hebdomadaires d’enseignement pour tous les maîtres du primaire et du secondaire I. « Ecole 2010 », LEO, chiche querelle. Il nous faut une école pleine d’élan vers l’avenir.
Gilles Pierrehumbert, Président de la Société vaudoise des maîtres secondaires
Paru dans 24 Heures du 26 août 2011