L’actuelle Cheffe du Département ne se représentera pas. Soit. Nombreuses.x ont été celles et ceux qui, ces dernières semaines, ont fait de la personne qui occupe le poste l’enjeu essentiel. Pas nous, même si nous avons fait une critique intransigeante de sa gestion, comme, d’ailleurs des Conseiller.e.s d’Etat qui l’ont précédée.
Maintenant, il va bien falloir parler d’autre chose que du nom d’un.e ministre, c’est-à-dire que nous allons devoir parler de l’école. (Sauf pour celles et ceux qui n’auront à l’esprit que le nom du.de la successeur.e et la lutte des places. Nous n’en sommes pas.)
En effet, il se trouve que le sort de l’école dépasse celui de la.du Chef.fe du Département. D’ailleurs, vu le bref débat au Grand Conseil sur la pétition pour des niveaux en anglais, quiconque aura pu constater que le soutien à la LEO dépasse largement la seule personne de la ministre. Cette position repose sur une très large fraction du parlement. Par ailleurs, la loi en vigueur avait recueilli une majorité confortable de ce même parlement avant d’être votée par le peuple. Il est donc un peu court de réduire l’école vaudoise et ses problèmes centraux, aux intentions, aux prérogatives et à l’autorité d’une seule magistrate.
Le projet de l’école porté par la LEO est en réalité très proche dans sa logique de l’école antérieure (nous avions indiqué au moment du vote que nous ne passerions que de trois à deux voies et demie). Il n’y a pas de transformation fondamentale. Les élèves les plus en difficulté et qui portaient autrefois l’étiquette « VSO » promènent aujourd’hui celle de « 1/1/1 ». Le problème demeure pour l’essentiel, marqué de surcroît par le manque de moyens, la politique d’austérité et une confusion mêlée de caporalisme qui tend à réduire les enseignant.e.s au rang de simples exécutant.e.s. A la sortie de cette école-là, les classes de raccordement et de l’Ecole de la transition (ex-OPTI) sont remplies comme jamais de jeunes gens sans solution de formation conduisant à de véritables qualifications.
La légitime indignation des collègues qui ont signé lettres et pétitions pour dire leur colère devant les dysfonctionnements de l’école et l’absence de prise en compte de leur voix, peut renvoyer à différentes conceptions de l’école. Il faudra débattre. Nous le verrons assez vite quand il ne sera plus seulement question des noms et des carrières des potentiel.le.s ministres.
Que devons-nous retenir des récents événements ? Les lettres ouvertes et autres pétitions ont montré d’abord le courage et l’importance déterminante de la prise de parole publique des enseignant.e.s, des travailleuses.eurs de l’école et d’ailleurs. Les collègues qui ont écrit et parlé ont eu l’intelligence de le faire collectivement, à un moment où une prise de parole critique face à l’Etat ou à une Direction d’établissement se traduit bien souvent par des menaces et des sanctions. Nous disons ici très fermement que les collègues, dans les écoles et ailleurs, doivent avoir le droit de parler, de commenter et de contredire leur Direction, les autorités et les politiques publiques, ainsi que de proposer et de mettre en avant des alternatives ; en un mot, de veiller au bien commun et au service public. Nous n’acceptons pas l’invocation liberticide du devoir de réserve ou du secret de fonction contre cette liberté fondamentale.
Le droit de penser et de parler autrement que l’autorité ne dit pas encore que toutes les positions et toutes les paroles seront convergentes.
Au moment où les discussions sur les adaptations de la LEO (en particulier pour la voie générale) vont reprendre, nous disons que les textes légaux ne laissent que très peu de marge de manœuvre. Nous participerons à ces travaux, mais sans aveuglement, pour contribuer de toutes nos forces à un travail d’inventaire mais aussi pour faire des propositions qui défendent les savoirs et les disciplines, qui contribuent à bâtir une école de la construction intellectuelle et du savoir émancipateur, pour tou.te.s les élèves. Une école qui reconnaisse pleinement la professionnalité et la qualification de ses enseignant.e.s. Nous dirons clairement aux collègues ce qui peut être fait dans le cadre qui est donné et en quoi il faut ébranler ce cadre, voire en sortir.
Il est donc plus que temps de s’autoriser parallèlement aux débats officiels à penser autrement et au-delà des limites de la LEO et de l’école obligatoire.
Il faut reprendre la question de l’école dans son ensemble, depuis la petite enfance jusqu’à la formation supérieure. Il n’est pas question de se laisser enfermer dans la segmentation des ordres d’enseignement sous prétexte que certains seraient obligatoires et d’autres pas, que certains seraient spécialisés et d’autres pas, ou parce qu’il s’agirait de préserver des découpages administratifs et budgétaires de services, ou encore les frontières formelles séparant le secteur public du parapublic.
Il s’agit de ne pas se laisser étouffer entre deux murs de la LEO, d’un côté, et le retour à la situation antérieure, de l’autre. Nous avions déjà refusé de nous constituer prisonnier.e.s du choix entre cette même LEO et « Ecole 2010 ».
Nous mettrons en avant dans le débat les conditions de l’école démocratique : l’accès pour tou.te.s à tous les savoirs, le droit d’entreprendre une formation porteuse de véritables qualifications et d’autonomie, la rupture des obstacles financiers qui empêchent l’accès aux écoles, l’autonomie et la liberté pédagogique ainsi que la professionnalité des travailleuses.rs de l’école publique, la reconstitution des directions comme arbitres et non comme pouvoirs absolus, la question de l’évaluation tous azimuts (voir à ce sujet l’excellente dernière Lettres des gymnases), la lutte contre la caporalisation du travail enseignant.
Nous allons entreprendre la discussion de thèses générales sur l’école et en faire le cœur de nos débats et de nos activités. Nous nous attèlerons à cette tâche dès la semaine prochaine et nous la poursuivrons au-delà des élections, échéance certes significative mais peut-être pas aussi décisive qu’on veut bien le prédire.